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Long voyage vers la nuit (2010)
Théâtre du Loup Blanc
Date et lieu de création : 23 novembre à la Scène nationale d'Alençon
CARLOTTA. Tôt ou tard tu seras redécouvert… Attends seulement qu’ils lisent Long voyage vers la nuit…
(Lars Norén, Embrasser les ombres)
Après Rodogune, de Corneille, Palatine, puis Œdipe de voltaire, nous mettrons en regard deux chefs-d’œuvre théâtraux des XXe et XXIe siècles : Long voyage vers la nuit d’Eugene O’Neill, et, avec la même scénographie (dans un autre dispositif) et les mêmes comédiens, Embrasser les ombres de Lars Norén : les deux pièces, la première année, seront créées l’une après l’autre, puis données en alternance.
LONG VOYAGE VERS LA NUIT (1941)
Mon aimée : voici le manuscrit de cette pièce tissée de vieux chagrins, écrite dans les larmes et le sang…
Publié trois ans après sa mort, en 1956, et couronné en 1957 du prix Pulitzer, Long voyage vers la nuit est sans doute le chef-d’œuvre d’O’Neill, « père fondateur » du théâtre américain. Cette pièce autobiographique, sur laquelle plane l’ombre de Strindberg ou de Tchekhov, mais aussi des grandes tragédies grecques, se situe en 1912: en 1941, O’Neill ressuscite, par la magie du théâtre, ses chers fantômes, dont la triple disparition, quelque vingt ans plus tôt, le plongea au cœur d’un séisme existentiel : son père, grand acteur shakespearien passé, par amour du gain et des succès faciles, à côté de sa carrière artistique ; sa mère, bourgeoise déclassée devenue, par la faute d’un médecin charlatan, dépendante de la morphine ; son frère aîné Jamie, enfin, alcoolique, dandy et débauché. Entre eux, face à eux, un jeune homme de vingt-cinq ans, miné par la tuberculose et hanté par la poésie : O’Neill lui-même, peu avant que, au sanatorium, il découvre dans l’écriture une nouvelle raison de vivre.
UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE
Mary. — Je ne te jette pas la pierre, chéri. C’est ce qui rend ça si difficile — pour nous tous. Nous ne pouvons pas oublier.
L’action se situe en nouvelle-Angleterre, au bord de l’océan, dans la résidence
d’été des Tyrone, famille d’émigrés irlandais. James, acteur en vogue, et son
épouse Mary passent le mois d’août avec leurs deux fils, Jamie et Edmund. Mary
sort à peine d’une cure de désintoxication. Elle est entourée de la sollicitude
méfiante des trois hommes qui craignent une rechute. Au fil de cette journée
chaotique, où le whisky et la drogue jouent un rôle dramaturgique de tout premier
plan, les révélations se succéderont…
Au cœur d’un conflit où chacun des protagonistes tente à sa façon, aveugle,
lucide, généreuse, tendre, agressive, cynique, d’en finir avec le non-dit ou
la malédiction, le lecteur est souvent submergé, au détour d’une page ou d’une
réplique, par des vagues d’émotion, aussi imprévisibles que fulgurantes. Ces
quatre êtres-là, James, Mary, Jamie et Edmund, s’aiment avec une sensibilité
à fleur de peau : mus tour à tour par le manque ou l’effet de la drogue et par
l’ivresse dionysiaque de l’alcool, ils s’empoignent avec passion, dressent à
l’envi la liste des griefs, des malentendus, des mensonges, règlent des comptes
inépuisables, dialoguent et se harcèlent jusqu’au bout de la nuit… Chacun d’eux,
pourtant, comme nous tous, rêve d’une trêve. D’une maison qui soit une vraie
maison. D’une famille heureuse, apaisée. D’un Éden.
La pièce d’O’Neill dégage une énergie étonnante: les acteurs de cette tragédie
moderne se débattent, au cœur d’une toile d’araignée qui les englue peu à peu
dans ses mailles, mais cette plongée dans la nuit et le brouillard s’accompagne
aussi, à l’inverse, d’une irrésistible montée vers les étoiles. C’est en cela
aussi, sans doute, que Long voyage vers la nuit acquiert une dimension
universelle, métaphysique.
UN RÉALISME ONIRIQUE
Damn that word, ‘realism !’ When I first spoke to you of the play as a ‘last word in realism,’ I meant something ‘really real,’ in the sense of being spiritually true, not meticulously life-like.
Ecrite dans une tension perpétuelle entre autobiographie et universalité, entre
drame bourgeois et tragédie antique, entre réalisme et onirisme, entre prosaïsme
et poésie, cette pièce est sans doute parmi les plus belles du XXe siècle :
en resserrant le texte, en le retraduisant, j’ai voulu le tendre plus encore,
l’épurer, afin d’en exprimer, aujourd’hui, toute la dimension intemporelle.
Cette œuvre où le réalisme au scalpel et la plus haute poésie s’entremêlent
devrait en effet rencontrer l’attention passionnée du spectateur.
Un voyage du jour à la nuit : comme dans les tragédies classiques, le lieu est
unique, et l’action se déroule en une journée. L’espace de la représentation
m’apparaît comme béant, ouvert sur l’infini de la mer et du ciel — tiraillé
entre dedans et dehors, culture et nature. Hétéroclites mais datés, fatigués,
tous les éléments de décor, réduits au strict minimum, renvoient quant à eux,
ainsi que les costumes, au naturalisme finissant : comme dans les pièces de
Tchekhov, les personnages sont de passage, en attente. L’automne venu, avec
l’ouverture des théâtres, ils vont repartir sur les routes.
En relation organique avec la musique, mue par elle et s’immobilisant avec elle,
joue la lumière du dehors, auquel toujours se réfèrent les protagonistes du
drame : le ciel, tourmenté, peu à peu nimbé, nuageux, grisé, obscurci, voilé
par la brume, les enveloppe dans sa nasse et « donne la couleur ». Pour la partie
musicale enregistrée, nous faisons appel à Andréa Cohen, musicienne et réalisatrice
d’émissions radiophoniques.
Le jeu impliqué, tendu, des comédiens, tout de violence intérieure nouée qui,
par saccades, affleure brutalement, voire lyriquement, à la surface, s’inscrit
dans cet espace indéfini, et se confronte à la nudité du cosmos — ou du plateau
qui, pour moi, le figure.
A la lecture de la pièce, on est saisi, enfin, par l’importance, la précision,
la beauté des interventions de l’auteur : plus que de simples didascalies, elles
expriment la voix d’O’Neill lui-même qui, trente ans plus tard, en quête d’apaisement
et de pardon, se remémore faits et personnages — et dessinent une véritable
partition : au fil du spectacle, en relation, parfois, avec la musique, une
voix off redonnera vie au poète montreur d’ombres — et, peu à peu, s’éteindra.
L'équipe
Mise en scène : Jean-Claude Seguin
Distribution : Yves Arnaud (Tyrone), Céline Bouchard (Cathleen), Arnaud Denissel (Edmund), Marie Grudzinski (Mary), Philippe Risler (Jamie)
Décors / scénographie : Charlotte Villermet
Création lumières : Hervé Bontemps
Création bande son : Andrea Cohen
Composition musicale : Andrea Cohen
Autre(s) collaboration(s) artistique(s) : Coiffures, Daniel Blanc
Contacts
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